Le Coq de Carennac et l'Envers vaut l'endroit
![]() |
Tout près du cloître, au prieuré de Carennac, une vieille femme tricote sur une chaise. Il y a autour d'elle une petite société picorante de poules et de poussins qui vaquent dans son ombre à leurs occupations. Et un coq, sorti tout luisant, vif et astral, d'une tapisserie de Lurçat. L'oeil de celui-ci s'est mis à briller, briller. |
" Dites-moi, Madame, vous n'auriez pas un coq comme celui-là à me vendre, par hasard ?
- J'en aurais bien d'autres, dit la dame. Si ça peut vous faire plaisir.
- Je pense bien, dit Lurçat.
- Ils ne seront pas pareils à celui-là, ce sera d'une autre espèce, dit la dame.
- Oh ! non, dit Lurçat. C'est un comme ça que je voudrais.
- Celui-là, dit la dame, je le mangerai.
- Et si je vous l'échangeais contre une poule du même poids, bonne à manger ? dit Lurçat.
- Non, dit la dame. Celui-là, je me le garde pour le manger.
- Si c'est pour le manger, dit Lurçat, on pourrait s'arranger.
- Oui, dit la dame. Je peux vous en avoir un autre, mais pas pareil.
- C'est un comme ça qu'il me faudrait, dit Lurçat.
- Celui-là, dit la dame, je le mangerai quand il sera à point."
Le coq n'ira pas chez Lurçat pour devenir tapisserie, mais à la casserole de la vieille dame, pour devenir coq-au-vin. Tous les coqs n'ont pas de chance.
[...]
"Il était beau, ce coq.
- Oui, dit Lurçat. Mais le plus beau peut-être de mes coqs, enfin un de mes préférés, il est sorti tout armé d'une pancarte à la vitrine d'un tailleur, à Souillac, en 1943. Faites retourner vos vêtements, l'envers vaut l'endroit.
[...]
Je me suis mis à rêver sur ces mots : " L'envers vaut l'endroit..." Et peu à peu est née la tapisserie qui s'appelle L'Envers vaut l'endroit, avec son jeu d'oppositions et de correspondances, et le texte lui-même que j'avais écrit qui, retourné et inversé en noir, dessine cette arabesque sombre au bord inférieur de la tenture. "
(d'après Claude Roy "Lurçat")
Déjà dans ses tentures, le thème du coq avait séduit Lurçat. Mais le coq n'était pour lui, jusque - là, qu'un prétexte décoratif, un amuse - coloriste.
[...]
le coq prend une force significative, une valeur à la fois symbolique et réaliste qui arrachent Lurçat au simple divertissement du décorateur.
(Claude Roy)
Le jardin des coqs, du Musée d'Art moderne, date de 1939.
Mais dans la longue série des coqs qui va commencer en 1942, citons :
|
|
Coq, gardien du
Collège Jean Lurçat, à Saint - Céré (d'après Jean Lurçat) |
![]() |